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-1184
Mugetsu Hasegawa
-1184 ZUdtAtut_o pseudo : la pau bleue avatar : umi defoort situation : madeleine, caius, anna... ils tournent dans sa tête et ne partent jamais vraiment. (recherche ardemment cette moitié qu'il espère tant). occupation : facteur. Messages : 57
Mugetsu Hasegawa
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1184 av. J.-C.

le 11 juin ;;
l’aube.

Nous nous tenions debout, dieux parmi les hommes, et face à nous se dressait l'immense Troie. Troie l'imprenable, Troie qui nous défiait de ses hauts murs, sa renommée. Mais Troie qui allait tomber, comme toutes les cités que nous avions défaites, une à une, avides d'une vengeance qu'on nous avait fait porter. Nous, les chiens enragés pourtant si bien dressés. Nous à qui on avait promis gloire et richesse et qui avions été trop bêtes pour oublier que la mort se servirait au passage. Nous chassions tout le jour et parfois toute la nuit, jamais rassasiés, nous nourrissant de notre propre haine. Nous étions plus de mille, mais sur le champ de bataille, nous ne faisions qu’un. Pourtant, un jour, nous vînmes à nous disputer. De l’hubris qui déchire les hommes naquit l’erreur, puis la mort, et ce soir-là nous pleurâmes Patrocle. Pour la première fois, nous nous serrâmes plus fort les uns contre les autres, et pas l’un de nous n’oublia les larmes d’Achille, le plus grand de tous les Grecs. L’aube était déjà arrivée quand les dernières braises avaient fini par s’éteindre. Nous étions restés silencieux alors qu’il récoltait les cendres de son aimé. Puis il s’était levé et nous avait promis la dernière bataille ; celle qui ferait de nous des héros, avait renchéri Ulysse.

Alors nous attendions, chaque jour un peu plus. À la prochaine lune, nous avait-on informé. Le sang avait séché sur nos mains et nos croûtes n'en cessaient plus de cicatriser ; nous redevenions forts, les plus faibles étaient morts depuis longtemps. Neuf ans que nous étions sur ces terres, que nous conquérions ce monde. Neuf ans que nous attendions patiemment la fin de l'hégémonie troyenne. Que nous mourrions à petit feu. Maintenant que la guerre était sur le point de se terminer, que d’enfants nous avions changé en hommes, nous pouvions nous rappeler de nos crimes et devenir fous. Nous nous libérions, petit à petit, et je me demandais comment nous avions fait pour garder tout ce temps le fardeau de nos douleurs. Certains les avaient guéri, en prenant une femme, en fondant des foyers sur ces terres qui ne nous appartiennent pas. Et moi, je t’avais rencontré.

Cela faisait déjà sept ans que nous avions quitté nos contrées, nos royaumes. Délaissé nos parures pour nos armures. Je t’avais vu, tremblant, toi qu’on disait pourtant si fort, je t’avais vu au milieu de la bataille, ensanglanté. Tes chairs lacérées, et je t’avais pris dans mes bras. J’avais vu dans tes yeux que ce jour là, quelque chose était mort (je n’ai jamais su quoi, mais j’aurais aimé pouvoir le réparer avant de disparaître). Tu m’avais pris la main et je ne l’avais pas lâchée.
Je t’avais laissé auprès de nos médecins et pour la première fois je priais les dieux, pour qu’ils t’épargnent. Il y avait devant moi l’océan immense qui me rappelait tes yeux, et je m’y plongeais tout entier - j’avais déjà sombré. Prenez-moi, c’était comme une supplique, et je me laissais emporter par les vagues, prenez-moi mais pas lui, mais Poséidon me rejeta. Je me souviens du sel qui rongeait mes plaies, mais du poids dans ma poitrine plus douloureux encore, la peur de te perdre avant d’avoir pu t’appartenir.

Tu étais apparu trois jours plus tard, et nos mains s’étaient trouvées dans le silence ; je te contemplais trop pour pouvoir parler. Cette nuit là, comme celles qui suivirent, j’appris à t’aimer comme on faisait la guerre, brutalement, je ne connaissais pas la douceur - mais tu me l’as apprise depuis. J’oubliais dans tes bras Troie la meurtrie, Troie la combattante et ses enfants tombés, ses enfants que j’avais moi aussi tués. Je te serrais plus fort pour atténuer ma douleur, et toujours j’en redemandais plus - ce n’était pas de la drogue, pourtant, juste ta peau. Et nos caresses s’évanouissaient avec l’aube, je t’embrassais en espérant que le soir, je te retrouverais.

Je t’enlace, à présent, j’ai toujours peur que tu t’en lasses ; j’ai plus peur que tu ne m’aimes plus que de mourir. Je sais, pourtant, que bientôt les cors résonneront, qu’ils nous appelleront et que cette fois ça se pourrait bien que- pardon, j’ai refermé mon étreinte un peu trop fort, c’est que j’ai jamais rien eu, alors le peu que j’ai je le garde avec moi. Tu reposes à mes côtés, tes yeux fermés. Hier, tu as tué vingt guerriers. J’embrasse tes cheveux, doucement, pour ne pas te réveiller. J’écoute le ressac rythmer avec ton souffle irrégulier dans mon cou. Dehors je suis sûr que la mer scintille déjà et qu’elle a oublié que c’était la guerre - moi, je suis déjà en enfer, dieu parmi les hommes, homme aimé d’un dieu.

@sohel dehwar
Sohel Dehwar
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Sohel Dehwar
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1184 av. J.-C.

le 11 juin ;;
l’aube.




il y avait eu de ces jours où il pensait à sa vie d'avant ; à sa maison sur la colline qui surplombait patras, les combats juvéniles contre des gamins dans les champs, les point-de-vues vers la mer où les vagues lui murmuraient des secrets... la dureté confortable du tronc de l'olivier, les bêtes que l'on sort de l'étable, la gastrophète qui n'avait pour cible que les pommes croquantes dont le jus vous collait aux doigts. il y avait eu la mort de papa à l'orée d'une nuit éternelle avec sa main trituré des lignes d'un vieux sage, et la promesse de reprendre tous ses serments d'antan (me battre pour les dieux, l'honneur - jusqu'au bout). dans la tête avait résonné longtemps un souvenir refrain de ces entrainements sans fin, jusqu'au maniement accompli du kipos et la maitrise absolue de l'épée ; transmission des talents (le feu, je l'ai dans le sang).

son cheval pour seul compagnon, il était parti sans peur rejoindre les troupes qui l'avaient appelé. galvanisé de respect, il avait plié le genou devant agamenon qui dans des batailles racontées au chevet des étoiles, avait sauvé son père d'une lance fatidique. fierté inégalable d'avoir pour frères d'armes des légendes humaines ; oui, il était parti sans un regard en arrière.

jusqu'à ne plus le pouvoir, même s'il l'avait voulu - délaissant l'humain pour devenir cerbère ; machine, machine de guerre ! à feu et à vermeil se repaître de tripes d'autrui, lui qui n'avait jamais tué un être pour son titre d'ennemi. dans chaque cœur transpercé il a du abandonner un peu du sien - fermer ses oreilles aux cris d'agonie pour n'entendre plus que les chants cadavériques des dépouilles sur le terrain (ma folie sans tête). la haine était-elle qu'il n'en sentait plus la source ; existait-elle seulement ? le liquide diffus plus âpre que le sang guidait ses armes dans le cou saillants de ses troyens devenus aussi fous que lui ; aspergé de ces vies volées qui le rendait plus belliqueux encore.

incapable de savoir à quel nom il s'était dépourvu du sien ; ni si les pouvoirs guerriers valaient de n'être plus que l'ombre d'un être humain. arès avait déposé en lui le souffle de la destruction ! le laissant dépourvu de ses tendresses passées, de cette douceur que les filles de la ville venaient à louer quand timide il leur offrait un sourire. fantôme parmi les vivants, les mois devinrent des années qui s'écoulèrent sans que le temps ne semble l'affaiblir.

il n'y avait en moi, ni regret ou amour
ni honte ou fierté
sur ma bouche ne résultait
que du néant, un néant si épais
comme s'il y avait été toujours.

c'était il y a deux ans que j'ai voulu mourir: un sang-visage à provoquer en moi la conscience de mon vide. le casque ne m'a laissé voir que ses yeux à l'effroi juvénile, et je me suis demandé comment il avait tenu jusqu'ici. pourquoi aussi. pourquoi avait-il survécu jusqu'à me rencontrer moi et mon gouffre sanguinaire ? il avait la fougue et la hargne de vivre, j'avais la conquête et la fureur de le tuer. alors, il est mort seul, sans parent ni ami au milieu de ceux qui oublieront son nom - j'ai vu qu'il le savait, alors qu'il me murmurait sans relâche son prénom. prôtéas prôtéas prôtéas prôtéas prôtéas prôtéas prôtéas prôtéas prôtéas prôtéas. j'en ai oublié ma guerre ; il a cessé le bruit des sabots. je me suis abaissé alors qu'ils courraient tous autour de moi, ivre de combattre jusqu'à la nuit qui ne tomberait jamais. je me suis abaissé tout prêt, j'ai entrouvert des lèvres que je croyais scellées. j'ai répété son nom, une fois. prôtéas. et il avait l'air soulagé en mourant.

ça m'a fait comprendre que j'étais déjà mort.

on a lacéré mes chairs comme je l'ai fait à tant d'autres, moi qui n'avais plus la force de n'être rien. je hurlais si fort que les troyens hésitaient à s'approcher, ne se doutant pas que je ne criais pas pour mon corps en péril - je cherchais en vain mon prénom dans les décombres de ma vie, je cherchais des souvenirs heureux qui dans mon esprit s'étaient évanouis. je me suis souvenu de quelques mots qui ne voulaient plus rien dire, tremblant. oui, je voulais mourir.

ce sont des bras qui m'ont sauvé ;
ceux de marcus,
pacha,
blanche,
mugetsu,
sayyida,
clotaire,
mais surtout ceux de sylée.
dans cette étreinte j'ai su que même si je n'étais plus
ensemble nous serions.

ça y est. akis. je suis akis. et je vais survivre pour t'entendre prononcer mon prénom.



---



ce sont ces mêmes-bras qui l'éveillent aujourd'hui. souvent, il a peur d'ouvrir les yeux et d'être vide nouveau, alors il préserve cruellement le plaisir de les garder fermés (à quoi bon voir l'aube maudite qui me sépare de toi? pour te toucher, je veux bien être aveugle). l'homme voudrait lui dire, c'est toi, c'est toi ma guerre maintenant toi tu sais me rendre vivant. la tête bouge légèrement contre ce cou qu'il mord un peu, soudainement. il ne dit rien. les mots ne suffisent plus à décrire sa redécouverte des sentiments, il les trouve creux par rapport à tout ce qui le brûle quand il se cogne contre lui (ma fougue est tendre). 'dernière bataille'... dix ans, à n'en plus savoir quoi penser: il se dit simplement qu'il espère emmener sylée sur sa colline, lui montrer ce qu'il était avant de disparaître et revenir pour lui. le regard remonte de la mâchoire divine aux pommettes saillantes pour finir la ballade aux creux de ses yeux, akis glisse sa main pour entortiller ses doigts dans les mèches rebelles qui ponctuent sa nuque. dernière bataille... et les dieux raillent leur idylle, jaloux peut-être qu'akis leur préfère sylée.

est-ce que tu as rêvé de troie ?

de ce qui se cache derrière les murs; de l'issue du combat. de toi et moi, jumeaux d'une même épée. de ce cheval de bois. des guerriers plus fous qu'hier encore. de demain ; du silence qui viendra. de la victoire (ensemble). je pense et je vis trop maintenant, grâce à toi.

@mugetsu hasegawa
Mugetsu Hasegawa
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Mugetsu Hasegawa
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1184 av. J.-C.

le 11 juin ;;
l’aube.

Bien sûr, que j’ai rêvé de Troie. Toutes les nuits elle me revient, mais je me demande bien qui ici ne rêve pas d’elle - toi peut-être. Ce ne sont pas des rêves, ce sont des souvenirs. Une collection de visages dont j’ai terni le regard - c’était moi qui avait fait ça, moi, tu l’aurais cru toi ? J’avais tué des frères, des pères, des amants. Je les avais tués, et chaque soir de Troie s’élève le grand bûcher. Leurs pleurs montent avec les flammes ; je peux presque voir leurs mains tendues vers les dieux. Je voudrais qu’ils savent que c’est de ma faute mais qu’ils me pardonnent, surtout. Qu’ils me pardonnent de n’être rien qu’un homme, rien qu’un tueur. Qu’ils nous pardonnent de venir contre leurs murs égorger leurs parents. Eux aussi ont tué des frères, des pères, des amants. Nous aussi nous pleurons nos morts, mais ce n’est pas Troie qu’il faut blâmer : c’est la guerre. Avec le temps, j’ai fini par ne plus voir la gloire et les honneurs. Je n’ai plus rien vu, seulement la douleur. Et la mort. À force elle m’est devenue familière.
Moi je ne prie pas : j’ai déjà imploré les dieux pour t’avoir près de moi. Je regarde nos compagnons répandre les libations, dire adieu à leurs frères d’armes. Je reste longtemps assis une fois que toutes les braises sont éteintes et que les femmes ont récolté les cendres. C’est le mieux que je puisse faire, je ne les connaissais pas. À travers le feu qui meurt parfois je te vois, étendu, sans vie. J’espère que jamais ce ne sera toi sur ce bûcher. Le vide en moi se creuse un peu plus profondément à l’idée que tu pourrais partir, mais chaque soir tu reviens auréolé de la victoire. Ils scandent ton nom, racontent tes exploits. Mais je les connais déjà tous alors je souris et je les laisse me parler de toi. Ils me racontent aussi tous les troyens qu’ils ont tué, et sur certains de leurs visages j’entrevois la peine, la même que la mienne. Dans l’ombre, je panse mes plaies et je me dis que tout ira bien, puisque ma seule douleur, c’est devenu toi.

J’ai toujours essayé de ne pas voir la rage qui gronde en toi, qui tonne comme une tempête. De l’ignorer, parce qu’elle me terrifie, parce qu’elle te transforme. Quand elle te possède, je ne te reconnais plus - et c’est cela qui me fait peur : savoir que ta colère t’emmène loin de moi. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est depuis que Prôtéas est mort, je t’entends la nuit répéter son prénom. J’ai jamais vu son visage, j’ai jamais su qui c’était, je ne cesse de penser que tu l’aimais sûrement ; je me dis que c’est lui qui vit encore en toi - et j’ai peur, oui, j’ai peur. Je voudrais qu’il te rende à moi. Je voudrais t’arracher son souvenir pour que tu ne sois qu’à moi - je crois qu’au fond toute cette colère c’est parce que tu veux le rejoindre. Je voudrais que tu cesses la guerre ; parce qu’Akis, mourir je peux mais te perdre je sais pas.
Et je tremble, je tremble, sous ta morsure encore, je tremble pour empêcher mon amour de t’écraser, pour m’empêcher de te demander tu m’aimeras toujours, même quand on existera plus ? si tu as donné ton cœur à un autre j’aurais aimé ne jamais te connaître.
C’est que, tout en moi se fêle quand tu m’embrasses. Que tes doigts qui courent sur mes hanches et tes yeux qui me regardent me rendent faible entre tes bras ; j’abandonne le combat quand tes baisers deviennent caresses, quand tu fais éclore en moi ce que les autres ne connaissent pas. Je ne peux pas lutter, pas dans ces batailles-là (je ne le veux pas). Mais, j’aime ça, Akis, qu’au milieu du sang, qu’au milieu de la haine, tu me rendes aussi frêle. Que tu fasses naître une chose aussi belle sur ma peau meurtrie par les années ; c’est parce que tu me montres que la douceur, elle existe aussi dans mes veines, que je ne suis pas devenu un monstre, qu’avec toi au moins je suis resté humain. Akis, finalement j’ai peur de mourir parce que je ne pourrai plus sentir ton corps aimer le mien. Tu es devenu mon tout quand je n’avais plus rien, et je voudrais que tu m’emmènes, loin d’ici, je voudrais qu’on oublie, que tu me dises que tu m’aimes (tu ne me dis jamais rien et ça m’angoisse ce silence, je sais que derrière lui je devrais voir l’amour mais je suis un peu bête alors je crois que je ne saisis rien, de toutes ces preuves que tu me jettes). Je te demande rien d’autre que de me prendre tout entier, de me faire trembler comme tu sais le faire et de me laisser te rendre mille fois ce que tu me donnes. Et je voudrais que Troie jamais n’ait existé.

Mon index suit la courbe de ton épaule, eux qui disent te connaître si bien, ils ne savent pas qu’ici, juste là, se niche un grain de beauté.
Je reste silencieux. Si je trouvais les mots, je pourrais te les dire. Si je t’aimais moins, je t’aurais dit je t’aime. Mais chaque nuit pourrait être la dernière et j’ai peur de chaque aube, alors je n’ai pas le temps pour les mots. Et puis, j’ai peur que tu ries, que tu trouves ça stupide de demander à un héros de ne pas partir en guerre. Parce que nous vivons pour devenir des légendes - parce que nous en étions déjà, et moi qui ne suit qu’une ligne dans les poèmes, moi comment je pourrais demander à mon Akis d’oublier l’éternité ?

Sans Troie, nous n’existerions pas. Alors, nous sommes un peu faits d’elle. Tu ne crois pas que c’est normal de rêver de notre mère ? Parce que Troie nous façonne, Troie nous anime. Et c’est vrai, sans Troie, nous, ce nous qui nous appartient, n’existerait pas non plus. Akis... ne me demande plus jamais ça. Je le dis plus brutalement que je l’avais voulu. Parce que j’essaye de l’oublier en toi, alors si tu m’en parles, je ne pourrai plus. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de te le demander, de vouloir savoir. Pour en être certain, au moins une fois, pour te voir à travers tes yeux et non ceux des légendes. Tu aimes ça, la guerre ?

Et moi, tu... tu m’aimes ?

@sohel dehwar
Sohel Dehwar
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1184 av. J.-C.

le 11 juin ;;


Parfois quand nous pensons (là en laissant toute la gloire à nos silences) je pourrais mettre ma main au feu que nous sommes à l'unisson. Que de réponses en questions nous outrepassons la découverte, instaurons par notre simple existence une naturelle compréhension. Qu'aux creux de mes côtés se niche un peu de toi, qu'au fond de tes yeux se reflètent quelques échos de ma voix. Je sais pourtant que l'on se préserve de certains mystères. Je sais qu'à tout connaître de ta chair, je n'ai que les prémices de ta carcasse fiévreuse, que je glisse le long de ton identité en me frayant un passage de temps à autre vers tout ce que tu es. C'est fugace, mais ça me donne envie de plonger tout entier et de ne jamais en revenir... Je me perds à te regarder, à te désirer. A m'imaginer seulement entier lorsque je suis à tes côtés. Peut-être parce qu'en aimant comme je t'aime, on est un peu moins destructeur. Moins meurtrier.

Les pensées fébriles d'une passion éperdue acceptent une trêve pour la grâce de l'esprit curieux - Akis à les lèvres brûlantes d'une ville dont la conquête les rendra tous légendes. Il en a tant entendu parler, il a tellement brûlé lors des discours dirigés vers Troie ! Bravoure mystifiée au point de n'en plus saisir véritablement les mérites, il se sait néanmoins plus que capable de répondre à son devoir pour l'honneur d'un père disparu. Il a déjà trop perdu sur les champs de bataille (Prôtéas) (humanité) (Prôtéas) (espérance) pour en revenir sans pour ses ancêtres ni ses héritiers n'avoir rien gagné. Le guerrier leur conterait bien ce qu'il a trouvé entre les débris de pauvres gens, entre les têtes de frères et les hurlements ! Akis n'a pas honte d'appeler ça l'amour. Mais ses sentiments n'ont d'importance que dans sa propre coupe, et les responsabilités qui lui incombent l'emportent depuis ses premiers pas jusqu'à ses derniers jours.

Troie ! Vilaines tergiversions le ramènent toujours à Sylée, le laisse se perdre dans n'importe quel méandre rien que pour la chance d'un instant figé. Troie ! Il l'imagine un jour comme la forteresse d'un démon forgeant des Troyens, et un autre comme la réplique des villes qu'il a traversé jadis. Dans les rues les enfants courent après la balle. Il en rêve chaque nuit, craint de la voir tous les soirs avant de s'endormir. Pas du domaine du cauchemar, non. Il n'y a que la perte qui l'effraie désormais, tout le reste lui paraît dérisoire.

Sans Troie, nous n’existerions pas. Alors, nous sommes un peu faits d’elle. Tu ne crois pas que c’est normal de rêver de notre mère ?

Mère ? Troie n'est pas ma mère.
Troie s'incarne comme la tristesse en moi,
la crainte de ne plus te voir au lever du jour -
comme à la tombée du soir.
Troie ne me façonne que dans ma monstruosité,
c'est le sein maudit qui m'a empoisonné.
Mais toi ! Toi que l'on ne peut altérer !
Tu embrasses sans crainte même les répudiés.

Il y a un côté rassurant à savoir que l'obsession croît en tout à chacun - il s'écarte un peu néanmoins, s'assoit non pas pour fuir les confessions. Il cherche seulement un peu de répit face à cette tendresse qui toujours l'envahit. Peut-être qu'aussi, il clame cette distance le temps d'assimiler les propos qui en lui fait naître de nouveaux doutes. Vont-ils dans la conquête, encore détruire un peu de ce qui les constitue ?

Akis... ne me demande plus jamais ça.

Un regard par dessus l'épaule (grain de beauté). Un soupir. Un hochement de tête. Akis sait. Il comprend. Mais les deux savent peut-être qu'il n'existe pas des centaines de matins pour poser les dernières questions.

Tu aimes ça, la guerre ?

... Il n'y a rien de plus beau que la guerre. Rien. Mais non, je crois que je n'aime pas ça.

Et moi, tu... tu m’aimes ?

On ne peut pas demander l'amour Sylée.

Avec hâte il s'empare de la main de l'aimé. Akis espère ne pas avoir laissé les bons mots crever avec tous les morts des combats, avec l'homme qu'il était avant de devenir celui-là.

Moi, je suis prêt à te donner tout ce que j'ai. Tout ce qu'il me reste. Oui, si les dieux m'ont rendu capable d'aimer... je pense que c'était seulement pour te rencontrer Sylée. Parce qu'avant toi il n'y avait rien. Avec tes mains tu m'as construit, avec ta bouche tu as insufflé un peu de vie là où je voulais mourir. Tu es mon début, ma finalité. Si ce sont ces mots là que tu veux, je te les donne. Je t'aime. Et je ne peux pas mieux te l'expliquer.

Avec une force mesurée, il tire sa destinée contre lui.

Avant, après la guerre. Tu es... C'est pour toi que je veux revenir. Et pour ce qui est de l'amour, je peux te le montrer.

Pour eux, devenir légende
Pour lui, demeurer vivant.

Il s'empare du cou de Sylée, se joue un peu de ses lèvres - celles-là même qui pourraient faire battre son cœur après avoir été enterré. Akis veut le faire trembler entre ses mains, tout contre son corps, qu'il crie son prénom - les lettres folles qu'il a retrouvé en le regardant pour la toute première fois. Il n'y a que dans les murmures chauds de sa voix qu'il sonne juste, qu'Akis comprend que ce prénom est bien à lui. Il n'y a de bestial que les instincts, de féroce seulement l'envie. Le reste n'est qu'adoration et évidence. Encore, et encore ça explose si fort qu'il se demande bien comment il a pu souhaiter mourir sans connaître cette chaleur brûlante, ce besoin primordial de le sentir sien.

Et il se fait la promesse muette de ne plus jamais abandonner (menteur menteur menteur).

Akis ouvre les yeux dans le cheval de bois. Ce n'est plus Sylée contre lui, seulement son armure et ses fers. Il se fait hoplite de circonstance pour un jour qui se voudra funeste... Il referme les yeux.

Mugetsu Hasegawa
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1184 av. J.-C.

le 11 juin ;;

J'ai recouvert mes plaies de tes baisers qui cognent encore contre ma peau, enfermés sous ma cuirasse. En revêtant mon armure j'ai pensé à ce matin quand je t'ai regardé, puis à toutes les fois où nous avions fait ces gestes. J'ai oublié de passer à mon cou le collier de coquillages que tu m'avais offert — toi aussi tu l'as oublié, je l'ai vu dans nos draps. J'aurais pu te le donner, mais t'étais déjà loin, loin parmi les dieux — il n'y avait qu'eux dans le cheval de bois.

Avant de regagner les navires nous avons tout ravagé. J'ai saccagé notre maison, défait le lit et cassé nos après-midis, nos nuits aussi, parfois je m’en suis rappelé les étés — entre deux chagrins je pouvais voir encore des souvenirs maladroits dans le feu qui faisait flamber nos neuf ans au ciel et donnait une nouvelle odeur à nos toujours. Puis je suis parti rejoindre les hommes dans la baie. Là, les mâts immenses de nos nefs s'y dressaient et j'entendais les armes s'aiguiser, et des cris et des rires et des pleurs, et moi je tremblais, déjà, alors comme tu me l’as appris j’ai entrelacé mes doigts en faisant des nœuds si compliqués que je n’arriverais pas à les refaire — et j'ai continué à avancer sur le rivage. Du camp il ne restait plus qu’un fumet de bois et de chairs brûlés — à ce moment j'ai compris que là-bas c'était avant, avant l'aube, avant la victoire.

J’ai regardé le soleil mourir à l’horizon depuis la colline à l’olivier, celle qui te rappelait Patras, Patras que l’on retrouvera bientôt, en écoutant les troyens victorieux pour un soir vous faire franchir les remparts. Je devinais tout pour être un peu avec toi : des réjouissances j’en percevais l’ivresse, et je pouvais imaginer les mains qui s’attrapent, et la danse, la musique, et les mères et les fils, et les pères et leurs blessures invisibles qui saignaient sur leurs joues, alors qu’ils foulaient aux pieds la place où ils dressaient hier le grand bûcher pour Hector.
On m’a appelé d’en bas. J’ai dévalé la colline pour redevenir soldat et parmi les troupes je l’ai sentie, l’effervescence, la hâte de vaincre, Athéna marche avec nous ! qu’on s’assurait dans les rangs, alors moi aussi j’ai aiguisé mes la(r)mes et tressé mes cheveux — machine, machine de guerre ! À l’intérieur de mon bouclier il y avait encore nos dessins gravés au poignard, et juste là ton écriture hésitante pour écrire mon nom dans le bronze encore chaud — Sylée. On ne voyait presque rien mais moi je savais, j’ai fermé les yeux et je me suis rappelé. En enfilant mes cnémides j’ai enfermé tes caresses contre moi, et c’est là que j’ai porté la main à mon cou, où le cauri que tu m’avais donné avait l’habitude de se nicher.

Puis l’assaut a commencé. On marchait en silence en faisant crisser les cailloux sous nos semelles, et le harnachement des chevaux tintait contre les lances. On avait peut-être peur mais personne ne l'a montré. Dans mes mains tout tremblait, y a rien de plus beau que la guerre tu disais, j'ai un goût amer dans la bouche pourtant je porte mes doigts à mes lèvres où tu les as embrassées et je me redresse pour paraître plus fier. Depuis les hauteurs ils auraient pu nous voir avancer, masse noire menaçante réclamant vengeance — mais ils étaient déjà ivres morts, vautrés dans leur bonheur. Alors on a atteint les remparts, pour la première fois j'en ai touché les pierres toutes éclaboussées de rouge qu'elles étaient et sous mes doigts elles s'effritaient. Pendant longtemps on est restés muets, puis l'un de vous est venu nous trouver. Les portes Scées se sont ouvertes, et la marée s’est déversée, de mille nous étions redevenus un, je fends la foule et les ennemis et vois sur la grande place de Troie le cheval de bois dont on a ouvert les entrailles. Je te cherche du regard, persuadé de pouvoir te reconnaître, mais tu es partout dans le carnage — debout sur les pavés je contemple les corps s'inanimer en nous imaginant déjà rois.
En courant le vent hurle dans mes oreilles, des cris de pitié, des cris d'anxiété, mais ma colère est plus forte que leurs craintes, ma force plus forte que leurs espoirs. Je porte la victoire dans mes poings serrés sur la garde de ma dague, elle troue les cœurs et perce les poitrines de tous les malheureux, de tous les hommes à la merci des dieux. Sur mes chevilles le sang goutte — pas le mien, celui des perdants — et je souris, galvanisé. Moi, je suis prêt à te donner tout ce que j'ai, que reste-t-il de nous ? Tout a brûlé sur la plage et j'ai même oublié d'emmener ce que tu avais fait pour moi, mais dans Troie en flammes où je déverse mes tristesses, tous mes si et mes peut-être pour mieux garder mes encore — tout cela je les leur donne, ils ne vivront pas demain — je trouve un réconfort, celui de naître à nouveau, mais naître en héros, faute de devenir un dieu. Mes phalanges craquent à force d'écraser mes regrets sur leurs visages, mais tout à l'heure tu les tiendras dans tes paumes et tout ira bien, et cette crevasse qui s'est ouverte sur mon corps tu la panseras, et tu m'aimeras comme avant et tu m'auras pardonné de les avoir tués, comme je fermerai les yeux sur tous tes tords.

Tu m'aimeras pour toujours, même si nous n'existons plus ?

Mes peurs sont revenues au grand galop au moment où j'ai rencontré l'aube et le premier lendemain sans guerre du haut des remparts où j'ai arrêté ma course. Les salpinx venaient de résonner depuis le palais, les cris s'étaient tus dans la ville morte, ensevelie sous les cendres. J'ai retiré mon casque et me suis affalé, fatigué d'avoir tout cédé à la guerre, d'avoir tout cédé à la légende. Je t'ai appelé — Akis, Akis ! au loin j'ai cru reconnaître un cri, mon nom, je me suis convaincu que c'était toi alors j'ai contemplé les rivières pourpres de mes plaies béantes venir se réfugier dans le creux de mes paumes, et j'ai attendu que tu viennes me chercher.

@sohel dehwar
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