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1917
Sohel Dehwar
1917 A4ae9ad4b52e6151d1b8a1f67607936e92c2fe4a pseudo : PA. avatar : aiysha situation : solitude accompagnée. occupation : errante à la voix cassée. Messages : 139
Sohel Dehwar
au levé du jour
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occupation : errante à la voix cassée.
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1917

1917.

le manoir de la famille nassonov ;;

à n'en plus savoir où donner de la tête - féérie virtuose d'un monde aux brillances surréelles. volupté de rigueur ! il y a dans toutes les robes l'élégance des dernières toilettes à la mode, il y a dans les parures les plus belles dorures du pays qu'on laisse pendre aux cous et aux oreilles des reines de cette ère. comtesse parmi tant d'autres vaque de convive en convive d'un sourire orchestré ; pirouette fine d'une politesse rudement enseignée. la malice demeure pourtant ! dans le creux des iris bleutés ondulent les vagues d'une irrépressible jeunesse que personne n'a jamais su lui dérober. ivanna est l'héritière intrépide d'un rôle qu'elle n'est pas certaine de pouvoir vouloir assurer... (à trop tendre le bras, le fruit pourri avant d'atteindre ma main) n'y a t-il rien de plus palpitant qu'un bal où la noblesse se galvanise de tout ce qu'elle a toujours eu ? regarde là-bas, c'est anna. apparemment, elle fume en secret dans les jardins ! le rouge lui monte aux joues alors qu'elle s'éloigne des rumeurs en faisant claquer ses talons sur le carrelage aux symboles glorieux (mais il me faut avouer que les racontars n'en sont pas). soupir alors qu'elle subtilise une coupe d'un plateau qu'une domestique lui tend respectueusement - l'ivresse pour délivrance face à toute cette prestance !

d'elle, on a toujours vanté les traits et raillé l'insolence ; comme une pierre brute que l'on attend de polir pour en dévoiler une radieuse obéissance. naïve, ivanna croit à un monde plein de promesses derrière les portes qui la maintiennent dans cette sphère dorée: l'oiseau se plaint alors qu'il peut encore chanter ! cruellement préservée, elle est loin de se douter de la rouge réalité... (un jour, j'abandonnerai titre, famille et luxure - je veux devenir actrice ; réinventer la vie sur des planches branlantes... mais il y a toi). l'orchestre fait tournoyer la salle sans qu'elle ne parvienne à cerner le seul qu'elle souhaiterait voir ; il est là, elle le sent, elle le sait - ne le trouve pas (tous me donnent le tournis). si on venait à lui demander de quel regard elle est en quête, quelques balivernes sortiraient de ses lèvres (je vérifie simplement que le tsar de toutes russies n'est pas ici). lamentation de cette moitié qui lui échappe ; file entre ses doigts avant même d'avoir pu enserrer son visage... elle craint que cette tendresse brûlante ne soit pas partagée - frayeur que les reflets dans leurs œillades échangées ne soient que des ombres fantasmées (est-ce le démon qui souffle à mon oreille que nous sommes destinés ?). alors son prénom, elle le préserve comme un secret: un murmure tout bas qui lui rappelle pourquoi elle est là, comme un plaisir coupable aux saveurs mirage d'autrefois.

j'ai la musique envoutante
pour bercer la mélodie d'un manque
celui qui porte tes mouvements, toute ton élégance
l'harmonie est si proche... pourtant jamais assez.
je prie pour une danse des dieux que je n'ai jamais appelé
je t'imagine si fort que je croirais te voir -
mais oui, c'est bien toi ;
enfin, tu émanes du noir !
je ne peux me défaire des serres d'une attraction telle
qu'elle me dévore toute entière ;
oui, je n'en ai que faire.

un étage les sépare, sans savoir que d'autres puissances les torturent d'une distance infranchissable. les hésitations sont fébriles contre la peau blanche qui frémit... c'est étrange : anna a l'impression que plus encore que les autres va demeurer cette nuit. elle tait le vice de vouloir brûler tous les préceptes, contient en elle ce besoin de rencontre. et s'il l'invitait vraiment à danser ? elle répète silencieusement les pas de son professeur, раз, два, три и четыре! mais à la fin du refrain le voilà disparu - et son cœur, éperdu.


@odile jankowski @mugetsu hasegawa
Mugetsu Hasegawa
1917 ZUdtAtut_o pseudo : la pau bleue avatar : umi defoort situation : madeleine, caius, anna... ils tournent dans sa tête et ne partent jamais vraiment. (recherche ardemment cette moitié qu'il espère tant). occupation : facteur. Messages : 57
Mugetsu Hasegawa
1917 ZUdtAtut_o
pseudo : la pau bleue
avatar : umi defoort
situation : madeleine, caius, anna... ils tournent dans sa tête et ne partent jamais vraiment. (recherche ardemment cette moitié qu'il espère tant).
occupation : facteur.
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1917

1917.

le manoir de la famille nassonov ;;

au bout de l'allée, le manoir. je sers un peu plus fort mon violon contre moi. je suis arrivé alors que la nuit n'est pas encore tombée, mais le soleil qui se couche n'enlève rien à la splendeur du bâtiment, dont les lustres flamboient déjà par-delà les hautes fenêtres. là-bas, tout est grand, riche ; célèbre. là-bas, toute la noblesse russe valse et rit - je les déteste autant que je les admire. pourtant, je n'ai pas pu m'empêcher de mettre mes plus beaux atours, de coiffer mes cheveux devenus un peu trop longs (j'espérais qu'ainsi ils ne remarqueraient pas mes chaussures un peu trop usées). je voulais paraître beau, parce que cette fois ils m'avaient promis de me laisser valser, rien qu'un tout petit peu, dans les bras des princesses qui allaient apparaître ce soir. moi, je ne voulais danser qu'avec une - la mienne.

je t'avais remarquée, un soir comme celui-ci. tes robes tourbillonnaient autour de ta taille fine, tes bijoux étincelaient ; de toutes, il était évident que tu étais la plus belle. nous jouions oчи чёрные, les yeux noirs, et tout allait vite, si vite ! je te voyais tourner dans les bras de tes prétendants, bouche-bée devant leur métamorphose : de simples hommes ils devenaient princes. j'avais peur que tu trébuches - tu semblais si légère, qu’une bourrasque aurait suffit pour t’emporter ! mais ils te tenaient fermement, toujours plus près d'eux, et moi stupide comme jamais, je continuais ma valse incessante, glissant sur les cordes, dans la hâte que la danse se termine. oui, je jouais certainement plus vite ce soir-là, et dieu m'est témoin que je connus non seulement l'amour, mais aussi la jalousie en te désirant aussi fort rien qu'en te voyant sourire.
et puis, les lumières avaient fini par mourir, une à une, et j'étais rentré, comme à chaque fois. j'avais détendu mon archet, remis mon manteau élimé ; j'étais parti, sans me retourner. j'avais longé les rues de saint-pétersbourg, celles où la neige tombe plus fort - j'avais besoin d'oublier. mais je n'y arrivais pas, trop de valses s'étaient enchaînées après la première, et elles se bousculaient dans ma tête. je ne voyais que leurs visages, la façon dont ils voulaient te faire danser, que tu leur appartiennes. et puis, au fur et à mesure, je parvins à seulement me rappeler de tes yeux noirs, ceux-là mêmes, que tu n'avais jamais tournés vers moi.
j'avais poussé la porte et retrouvé ksenia dans son appartement tout froid. je l'avais embrassée : elle aussi m'avait appris l’amour, nos corps s’épuisaient plus qu’ils ne s’épousaient - mais c’est de ma faute je le sais, je reviens comme une vague quémander de ses caresses et jamais je ne les lui rends ; je ne lui fais pas l’amour, je ne lui fais que du mal (pardonne-moi). je m'étais allongé à ses côtés, et mes mains endolories s'étaient posés sur sa taille, je repensais à la tienne ; cette nuit-là, je pleurais plus que jamais.

et à nouveau, tout recommençait.

pacha !
je me retourne, mais c'est juste le vent qui chante dans les branches et m'appelle, me fais douter, tout à coup. devrais-je y aller ? là-bas, il n'y a que des princes, moi je ne suis rien, à peine fils de. j'ai que mon violon, et ksenia- ksenia. je lui avais promis que ce soir, pour elle, je jouerai czardas avec son frère. et puis, il y a toi. tu seras là. alors mes semelles claquent sur les marches en marbre, plus blanches que la neige. ma main se porte à la poignée, mais la porte s’ouvre, on me sourit, m’enlève mon manteau, m’offre un verre. on m’attendait, qu’on me dit (et moi qui m’apprêtais à fuir). brutalement, je me sens anobli, on me guide jusqu'à une salle, certains me saluent, me reconnaissent. je leur ressemble, je me dis, je suis comme eux ! je jubile. on murmure sur mon passage : c'est lui, le violoniste, pavel obolensky, qu'ils s'arrachent tous dans la famille royale, on dit qu'la fille du tsar... mais déjà je n'écoute plus : je te cherche des yeux. quelqu'un m'appelle - pacha ! pacha ! cette fois-ci, c'est bien réel : c'est le frère de ksenia, piotr, et son violoncelle qui essaient de se frayer un chemin parmi toutes ces robes en satin. je lui rends son sourire, tente d'oublier un peu ton absence. on me dit que dans quinze minutes, c’est à nous. j'acquiesce, ouvre mon boîtier - si tu étais là, je t'aurais déjà vue.

je descends lentement les escaliers ; d'en haut, j'embrasse toute la cour d'un seul regard. je les observe tous, et c’est là que je remarque leurs manies, leur port altier. la façon qu’ils ont de tous se méfier. je les vrille de mon dégoût. c’est tout ce luxe, toute cette fausseté, leurs voix de velours qui vous séduisent pour mieux vous empoisonner, et puis l’argent, l’argent. mais je me rappelle que depuis la scène, je leur ressemble et j’en ai honte, tout à coup. un instant, je voudrais partir, mais c’est le rouge, qui ce soir domine, le rouge de cette marée sanglante qui me retient. je trouve un réconfort dans cette couleur cruelle, cette couleur de guerre, révolution.
je te cherche des yeux, mais je suis trop loin pour distinguer tous les visages. pourtant, je sais que tu es là, il y a ta présence douce et rassurante qui flotte dans l'air. quelqu’un m’annonce. les jupons bruissent, les chaussures tapent. les conversations, lentement, se réduisent au silence alors que nous nous accordons. je me lève, sur mon épaule, mon violon est tout léger. j'aperçois ksenia parmi les domestiques, je lui souris, ravi de voir qu'elle est arrivée malgré toute la neige qui menaçait d'empêcher les bus de passer. je l'embrasse de loin, discrètement : les applaudissements s'élèvent de la foule.

la symphonie s’éveille derrière moi. czardas résonne sous mon archer. je ferme les yeux, transporté. il y a tout ce silence, rien que pour moi. pour nous. j’écoute piotr me répondre, sous nos doigts la mélodie devient rude, pourtant nous caressons les cordes. cette danse-là est sensuelle, passionnelle, je croise le regard de ksenia - je voudrais lui dire que je suis désolé. que la seule chose que je sais faire c’est même pas l’aimer, c’est me tenir debout devant des gens que nous détestons et les divertir. pourtant parmi ces gens il y a toi, anna. j’ai appris ton prénom il y a des années, peut-être que je le connaissais avant même d’être né. anna, tu le sais, toi, que je t’attendais. tu es devant moi, maintenant. je te regarde. je te contemple. nous pourrions presque nous toucher, mais mille paires d’yeux, plus noirs que la nuit, nous empêchent de fuir loin d’ici. alors dans ma tête, je danse avec toi. c’est ma main dans la tienne et l’autre sur ta taille, c’est ta robe qui tourne au rythme de mes notes, nos souffles qui se mêlent - dans cet imaginaire, tu n’appartiens qu’à moi.

à mon tour, je deviens roi.

@odile jankowski @sohel dehwar

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